Page:Zola - Vérité.djvu/135

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se dénoua d’une façon dramatique, Gaston se noya, pendant une promenade qu’il faisait sous la surveillance du père Philibin. Il était tombé, racontait celui-ci, dans un trou dangereux, d’où n’avait pu le retirer un autre gamin de quinze ans, Georges Plumet, le fils d’un jardinier du château et parfois son compagnon d’escapade, qui était accouru, ayant vu de loin l’accident. La comtesse, désolée, mourait l’année suivante, en léguant Valmarie et toute sa fortune au père Crabot, ou plutôt à un petit banquier clérical de Beaumont, simple prête-nom docile, avec la charge d’installer dans le domaine un collège d’enseignement libre, confié aux jésuites. Plus tard, le père Crabot y était revenu à titre de recteur, et il y avait dix ans que le collège prospérait sous sa direction. Il y régnait de nouveau, du fond de sa cellule austère, aux quatre murs nus, meublée d’une petite couchette, d’une table et de deux chaises, balayant et faisant lui-même son lit. Et, s’il confessait les femmes à la chapelle, c’était dans cette cellule qu’il confessait les hommes, comme vaniteux de la pauvreté et de la solitude où il affectait de se tenir à l’écart, en divinité redoutable, qui laissait au père Philibin, le préfet des études, le soin des rapports quotidiens avec les élèves de la maison. Mais, tout en ne se montrant que rarement à eux, il se réservait les jours de parloir, se prodiguait aux familles, surtout aux dames et aux jeunes filles de l’aristocratie locale, s’occupant de l’avenir de ceux et de celles qu’il appelait ses chers fils et ses chères filles, nouant des mariages, assurant de bonnes situations, disposant de ce beau monde pour la gloire de Dieu et de son ordre. Et c’était de cette façon qu’il avait fini par être un tout-puissant personnage.

— Au fond, reprit Delbos, ce père Crabot m’a l’air d’un médiocre, dont toute la force est dans la bêtise du monde où il agit ; et je me méfie davantage du père Philibin, votre