Page:Zola - Vérité.djvu/142

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détails, par exemple le rapport du médecin légiste, où les résultats de l’autopsie se trouvaient indiqués en des termes impossibles à lire devant les femmes. Pendant les derniers huit jours, Beaumont fut ainsi en proie à une mêlée affreuse.

Enfin, le grand jour, le 20 octobre arriva. Depuis la rentrée des écoliers, Marc avait dû se réinstaller à Jonville, avec sa femme Geneviève et sa fillette Louise, que Mme  Duparque et Mme  Berthereau avaient tenu, cette année-là, à garder près d’elles pendant toutes les vacances. Il y avait consenti d’autant plus volontiers, que ce long séjour à Maillebois lui permettait de mener plus directement son enquête, restée, hélas ! sans résultat. Pourtant, il avait trop souffert de sa gêne chez ces dames, où jamais un mot n’était dit sur la retentissante affaire, pour ne pas être heureux de se retrouver dans son école si calme, au milieu de la bande d’enfants joueurs, dont quelques-uns lui étaient chers. Et, d’ailleurs, il s’était fait citer comme témoin de moralité par la défense, il attendait le procès avec un frémissement d’émotion, repris de son espérance tenace dans la vérité et la justice, comptant de nouveau sur le triomphe d’un acquittement. Il lui semblait impossible que, de nos jours, en France, dans ce pays de liberté et de générosité, un homme fût condamné sans preuves. Le lundi matin, quand il arriva, Beaumont lui parut en état de siège. On avait consigné les troupes, des gendarmes et des soldats gardaient les abords du palais de justice ; et, lorsqu’il voulut y pénétrer, il eut à forcer toutes sortes d’obstacles, bien qu’il eût une citation en règle. À l’intérieur, les escaliers, les couloirs étaient également barrés par de la troupe. La salle des assises, très vaste, toute neuve, luisait d’ors et de faux marbres, sous la lumière crue des six grandes fenêtres qui l’éclairaient. Et elle se trouvait comble, deux heures avant l’ouverture des