Page:Zola - Vérité.djvu/149

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il exposa l’ignoble crime en sa bestialité, il demanda si un tel homme avait pu commettre un tel acte. Une à une, il prit les prétendues preuves de l’accusation, en démontra l’impossibilité, le néant. À propos du modèle d’écriture surtout et du rapport des deux experts, il fut terrible, il prouva que cette unique pièce du dossier ne pouvait s’appliquer au cas de Simon, il fit toucher du doigt la stupidité du rapport des sieurs Badoche et Trabut. Il discuta, détruisit les témoignages, même ceux entendus au huis clos, ce qui lui attira de nouveau les foudres du président Gragnon, toute une violente querelle. Et, à partir de ce moment, il ne parla plus que sous la menace de se voir retirer la parole, devint de défenseur accusateur, jeta au pied de la cour, et les frères, et les capucins, et les jésuites, eux-mêmes. Il remonta clairement jusqu’au père Crabot, afin de frapper à la tête, ainsi qu’il le voulait. Un frère seul avait pu commettre le crime, il désigna sans le nommer le frère Gorgias, il dit toutes les raisons qui faisaient sa certitude, il montra le sourd travail, la vaste conjuration cléricale dont Simon était la victime, la nécessité de la condamnation d’un innocent pour que le coupable fût sauvé. Et, s’adressant aux jurés, il leur cria, en terminant, que ce n’était pas le meurtrier du petit Zéphirin qu’on leur demandait de condamner, mais l’instituteur laïque, le juif. Cette fin de plaidoirie, hachée par les interventions du président et par les huées de la salle, fut en somme considérée comme un triomphe oratoire, qui classait Delbos au premier rang, mais que son client allait sans doute payer d’une forte condamnation. Tout de suite, en effet, La Bissonnière avait pris un visage de douleur et d’indignation, pour répliquer. Un scandale inqualifiable venait de se produire, la défense avait osé accuser un frère, sans apporter aucune preuve sérieuse. Elle avait fait pis, elle avait dénoncé comme complice de ce frère, et ses supérieurs, et d’autres religieux, et