Page:Zola - Vérité.djvu/156

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cause, l’église avait fini par devenir sa coquetterie et sa distraction, le seul rendez-vous mondain où elle pouvait aller en toilette, voir et se faire voir, passer les voisines en revue. Dans ce village de huit cents habitants à peine, en l’absence de tout autre lieu de réunion, sans autre occasion de cérémonies et de fêtes, la petite nef humide, avec sa messe vivement expédiée, se trouvait être à la fois le salon, le spectacle, la promenade, l’unique et commune récréation des femmes, désireuses de plaisir ; et, comme la belle Martineau, presque toutes celles qui venaient là n’avaient plus, pour seule foi, que ce besoin d’être endimanchées et de se montrer. Puis, les mères l’avaient fait, les filles le faisaient, c’était l’usage, ça se devait. Attirée par l’abbé Cognasse, flattée par lui, Mme Martineau essaya donc de convaincre Martineau que, dans cette histoire des trente francs, le curé avait raison. Mais Martineau, d’un mot, la pria de se taire et de retourner à ses vaches, car il était encore de la vieille école, il ne permettait pas aux femmes de se mêler des affaires des hommes.

En soi, l’histoire des trente francs était fort simple. Depuis qu’il y avait un instituteur à Jonville, il touchait ces trente francs par an, pour sonner la cloche, à l’église. Et Marc, qui ne sonnait plus la cloche, avait persuadé le conseil municipal de donner aux trente francs une autre destination, en disant que, si le curé voulait avoir un sonneur, il pouvait bien le payer lui-même. La vieille horloge du clocher, détraquée, ne marchait plus guère, continuellement en retard ; et un ancien horloger, retiré dans le pays, demandait justement les trente francs annuels pour la réparer et l’entretenir. Marc avait d’abord mis quelque malice à conduire l’aventure tandis que les paysans s’étaient simplement tâtés, inquiets de savoir si leur intérêt était qu’on leur sonnât la messe ou que l’horloge leur indiquât l’heure exacte ; et quant à voter