Page:Zola - Vérité.djvu/157

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trente autres francs pour avoir les deux, ils n’y songèrent même point, leur règle étant de ne pas grever d’inutiles dépenses le budget de la commune. Mais ce fut un beau combat, où se heurtèrent la puissance du curé et celle de l’instituteur, définitivement victorieux, car l’abbé Cognasse, malgré ses prônes foudroyants, ses malédictions lancées contre les impies qui voulaient faire taire la voix de Dieu, dut finir par céder. Et, après un mois de silence, le clocher tout d’un coup, un beau dimanche matin, retrouva sa sonnerie, jeta sur le village une furieuse volée de cloche. C’était la vieille servante, la terrible Palmyre, qui sonnait, de toute la rage de ses petits bras.

Dès lors, l’abbé Cognasse, comprenant que le maire lui échappait, se fit prudent, retrouva sa souplesse d’homme d’Église, malgré son continuel bouillonnement de colère. Et Marc se sentait le maître, vit Martineau le consulter de plus en plus, à mesure que ce dernier avait conscience de la solidité des mains auxquelles il se confiait. Secrétaire de la marie, Marc en vint à diriger discrètement le conseil municipal ménageant les amours-propres, restant dans l’ombre, d’autant plus fort, qu’il était simplement l’intelligence, la raison, la volonté saine et droite, qui faisaient agir ces paysans, désireux avant tout de paix et de prospérité. Avec lui, la bonne œuvre de délivrance était en marche, l’instruction se répandait rapidement, apportant en toutes choses de la lumière, détruisant les superstitions imbéciles, chassant, avec la misère des cerveaux, la misère et l’ordure des logis pauvres, car il n’est de richesse que par le savoir. Jamais Jonville ne s’était encore décrassé à ce point en train de devenir la commune la plus prospère et la plus heureuse du département. À la vérité, Marc se trouvait singulièrement aidé dans cette besogne par Mlle Mazeline, l’institutrice qui tenait l’école des filles, de l’autre côté du mur où