Page:Zola - Vérité.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

je ne puis m’empêcher de penser, c’est un grand tourment.

Alors, souriante, un doigt sur la bouche, elle le conduisait au petit lit où leur fillette Louise dormait déjà.

— Ne pense qu’à notre chérie, dis-toi que nous travaillons pour elle. Elle aura du bonheur, si nous en avons nous-mêmes.

— Oui, oui, ce serait le plus sage. Mais notre bonheur, à nous trois, ne sera-t-il pas fait aussi du bonheur de tous ?

Geneviève s’était montrée très raisonnable et très affectueuse, pendant l’affaire. Elle avait souffert de l’attitude de ces dames, de sa grand-mère surtout, à l’égard de son mari, auquel la servante Pélagie elle-même affectait de ne plus adresser la parole. Aussi, lorsque le jeune ménage avait la petite maison de la place des Capucins, s’était-on séparé très froidement ; et, depuis lors, Geneviève se contentait d’aller de loin en loin voir ces dames pour éviter une rupture complète. De retour à Jonville, elle avait de nouveau cessé de pratiquer, elle n’était plus retournée à la messe, ne voulant pas que l’abbé Cognasse s’autorisât de sa piété pour battre en brèche son mari. Si elle semblait se désintéresser de la querelle entre l’École et l’Église, elle restait au cou de son bien-aimé Marc, elle s’abandonnait encore, dans le don qu’elle lui avait fait de toute sa personne, même lorsque son hérédité, son éducation catholique l’empêchaient de l’approuver complètement. Et il en était de même pour l’affaire, elle ne pensait peut-être pas comme lui, mais elle le savait si loyal, si généreux, si juste, qu’elle ne pouvait le blâmer d’agir selon sa conscience. Seulement, en femme raisonnable, elle se permettait parfois de le rappeler discrètement à la prudence. Que seraient-ils devenus, avec leur enfant sur les bras, s’il s’était