Page:Zola - Vérité.djvu/210

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Chambre, on imagina une nouvelle nécessité de silence, celle de ne pas retarder encore les réformes promises, en soulevant des questions inopportunes. La vérité était qu’à la suite de la dure guerre des candidatures, les vainqueurs désiraient jouir en paix des situations si chèrement acquises. Aussi, à Beaumont, ni Lemarrois, ni Marcilly, réélus, ne consentaient à prononcer le nom de Simon, malgré leur promesse d’agir, lorsque leur mandat serait renouvelé et qu’ils n’auraient plus à craindre l’aveuglement du suffrage universel. Simon était jugé, et bien jugé : il devenait antipatriotique de risquer même une simple allusion à son affaire. Et, naturellement, à Maillebois, la consigne était la même, exagérée encore, à ce point que le maire Darras avait supplié Marc, dans le propre intérêt du misérable innocent et des siens, de ne point agir, d’attendre un réveil de l’opinion. On affectait l’oubli, défense était faite de parler, comme s’il n’existait plus de simonistes ni d’anti-simonistes. Marc dut se résigner, supplié par la famille Lehmann, toujours si humble, si inquiète, et par David lui-même, qui sentait le besoin de patienter, dans sa ténacité héroïque. Pourtant, il était sur une piste grave, il avait appris d’une façon détournée, et sans preuve certaine, la communication illégale que le président Gragnon s’était permis de faire aux membres du jury, dans la salle de leurs libérations ; et c’était là un cas de cassation absolu, s’il parvenait à l’établir. Mais il avait conscience de toutes les difficultés du moment, il continuait son enquête dans l’ombre, désireux de ne pas avertir ses adversaires. Et Marc, plus fiévreux, finit par accepter cette tactique, par consentir à feindre de se désintéresser. L’affaire Simon entrait en sommeil, elle devait longtemps paraître terminée, oubliée, lorsqu’elle restait comme le mal caché, la blessure empoisonnée et inguérissable dont le corps social se mourait, sans cesse à la veille d’un accès de fièvre délirante et mortelle. il suffit