Page:Zola - Vérité.djvu/212

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dans la façon dont l’inspecteur primaire Mauraisin lui parla, lors de sa première visite. Ce dernier, qui le savait couvert par Salvan et par son chef hiérarchique, l’inspecteur d’académie Le Barazer, se montra d’une indulgence ironique, le laissant aller, guettant la faute grave qui lui permettrait de demander son déplacement. Il ne dit même rien de la suppression de la prière, il lui fallait quelque chose de plus décisif, un ensemble de faits accablants. On l’en avait vu rire avec Mlle  Rouzaire, une de ses préférées ; et, dès lors, Marc ne fut plus entouré que d’espions, de mouchards, prêts à dénoncer ses pensées et ses actes.

— Soyez prudent, mon ami, ne cessait de répéter Salvan, chaque fois que Marc allait chercher près de lui quelque réconfort. Le Barazer a encore reçu hier une lettre anonyme, où vous étiez traité d’empoisonneur et de suppôt de l’enfer. Vous savez si j’ai hâte de voir la bonne œuvre s’accomplir ; mais je crois que c’est tout compromettre que de vouloir tout conquérir d’un coup… D’abord, rendez-vous nécessaire, ramenez la fortune, faites-vous aimer.

Et Marc, abreuvé d’amertume, en arrivait à sourire.

— Vous avez raison, je le sens bien, c’est par la sagesse et par l’amour qu’il faut vaincre.

Il s’était installé, avec sa femme Geneviève et leur fillette Louise, dans l’ancien logement de Simon. C’était beaucoup plus grand et plus confortable qu’à Jonville : deux chambres à coucher, une salle à manger, un salon, sans compter la cuisine et les dépendances. Le tout très propre, très gai, envahi de soleil, ouvrant sur le jardin assez vaste, où poussaient des légumes et des fleurs. Mais leur pauvre mobilier dansait là-dedans ; et, depuis qu’ils étaient fâchés avec Mme  Duparque, ils avaient grand-peine à vivre du maigre traitement. Celui-ci allait