Page:Zola - Vérité.djvu/218

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elle était tombée, en refusant de rendre les biens volés, la part légitime des humbles et des souffrants ? On condamnait l’instruction, en donnant en exemple la déchéance de la bourgeoisie, en accusant la science de faire des déclassés, d’accroître le mal et la douleur. Certes, oui, tant que le savoir pour le savoir s’exaspérerait dans une société de mensonge et d’injustice, il semblerait ajouter aux ruines. C’était pour la justice que devait travailler la science, c’était à une morale humaine de liberté et de paix qu’elle devait aboutir, au sein même de la fraternelle Cité future.

Et ce n’était pas encore assez d’être juste, Marc exigeait de ses élèves la bonté et l’amour. Rien ne germait, rien ne fleurissait que par et pour l’amour. Le foyer central du monde était là, dans cette flamme universelle de désir et d’union. Chacun avait l’impérieux besoin de se fondre parmi tous les autres ; et l’action personnelle, l’individualité nécessaire, la liberté de chaque être pouvait, se comparer au jeu distinct des organes, sous la dépendance de l’être universel. Si l’homme isolé était une volonté et une puissance, ses actes commençaient seulement à être, lorsqu’ils agissaient sur la communauté. Aimer, se faire aimer, faire aimer tous les autres : le rôle de l’instituteur se trouvait en entier dans ces trois termes, ces trois degrés de l’enseignement humain. Aimer, Marc aimait ses élèves de tout son cœur, se donnait à eux sans réserve, sachant bien qu’il faut aimer pour enseigner, car l’amour seul peut toucher et convaincre. Se faire aimer, il s’y employait à chaque heure, fraternisait avec les petits, sans jamais chercher à se faire craindre, mais au contraire à ne les conquérir que par la persuasion, l’affection, la bonne camaraderie d’un aîné qui achève de grandir en compagnie de ses cadets. Faire aimer tous les autres, c’était son souci continuel, le rappel incessant de cette vérité que le bonheur de chacun est simplement