Page:Zola - Vérité.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le prenaient souvent pour arbitre ; et, quand il avait jugé, il n’admettait pas qu’on échappât au jugement.

Marc était heureux de le voir à son banc, avec sa face longue, un peu pensive, sous les boucles de ses cheveux blonds, avec ses jolis yeux bleus, qui buvaient la leçon, fixés sur le maître, en un ardent désir d’apprendre. Et il ne l’aimait pas seulement pour ses progrès rapides, il l’aimait plus encore pour tout ce qu’il sentait pousser en lui de bon et de généreux. C’était une petite âme exquise qu’il se plaisait à éveiller, une de ces âmes d’enfant où commençait à éclore toute la floraison des belles pensées et des belles actions.

Un jour, à la classe de l’après-midi, il y eut une scène pénible. Fernand Bongard, que ses voisins taquinaient, pour sa bêtise, venait de trouver la visière de sa casquette arrachée ; et il s’était mis à fondre en larmes, en disant que sa mère le battrait sûrement. Forcé d’intervenir, Marc voulut connaître le coupable de cette mauvaise farce. Tous niaient, Auguste Doloir plus effrontément que les autres, bien que le méfait parût être son œuvre. Et comme il était question de garder la classe entière en retenue, jusqu’à ce que le coupable se fût loyalement fait connaître, Achille Savin livra Auguste, son voisin, en tirant de la poche de celui-ci la visière de la casquette. Ce fut une occasion pour Marc de flétrir le mensonge avec une telle force, que le coupable lui-même pleura, demanda pardon. Mais l’émotion du petit Sébastien Milhomme fut surtout extraordinaire, et il resta le dernier dans la classe vide, et il ne s’en allait pas, regardant le maître d’un air éperdu.

— Vous avez quelque chose à me dire, mon enfant ? demanda Marc.

— Oui, monsieur.

Pourtant, il se taisait, les lèvres tremblantes, son joli visage rouge de confusion.