Page:Zola - Vérité.djvu/256

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solide que vous avez déjà su prendre à Maillebois. J’y prévois une furieuse campagne des frères, des capucins, des jésuites, car vous n’êtes pas seulement l’instituteur laïque, Satan, vous êtes surtout le défenseur de Simon, le porteur de torche, l’homme de vérité et de justice dont il faut sceller la bouche. Enfin, soyez toujours sage et bon, et courage !

Salvan s’était levé et il avait saisi les deux mains de Marc. Un moment, ils restèrent ainsi, les mains dans les mains, à se regarder avec un sourire, les yeux luisants de vaillance et de foi.

— Vous ne désespérez pas au moins, mon ami ?

— Désespérer, mon enfant ? ah ! jamais ! La victoire est certaine ; je ne sais quand, c’est vrai ; mais elle est certaine… Et puis, il y a plus de lâches et d’égoïstes que de méchantes gens. Ainsi, dans l’Université, combien d’esprits ni bons ni mauvais, d’une moyenne plutôt bonne. Ce sont des fonctionnaires, voilà la tare ; et ils fonctionnent, que voulez-vous ? Ils fonctionnent pour et par la routine, ils fonctionnent aussi pour leur avancement, c’est bien naturel… Notre recteur, Forbes, est un homme doux, très lettré, désireux surtout de n’être pas dérangé dans ses études d’histoire ancienne. Je le soupçonne même d’avoir un sourd mépris de philosophe pour les abominables temps actuels, ce qui le fait se renfermer strictement dans son rôle de simple rouage administratif, entre le ministre et le personnel universitaire. Depinvilliers lui-même ne se met du côté de l’Église, que parce qu’il a deux filles laides à marier et qu’il compte sur le père Crabot pour lui trouver des épouseurs riches. Et quant au terrible Mauraisin, une vilaine âme celui-ci, dont vous aurez raison de vous méfier, il voudrait bien avoir ma place, il serait demain avec vous, s’il vous croyait en état de la lui donner… Mais oui, mais oui, tous de pauvres hères, des affamés, ou encore des âmes faibles,