Page:Zola - Vérité.djvu/261

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de donner sa signature. Ainsi moi, je risque beaucoup en me mettant en avant, à cause de mes chefs… Mais ma conscience de père de famille parle trop haut. Que voulez-vous que je fasse de mes deux garnements, Achille et Philippe, sournois et indisciplinés, si vous ne les effrayez pas un peu, avec le bon Dieu et son enfer ? Voyez ma grande fille Hortense, si gentille, dont la première communion cette année a émerveillé tout Maillebois. Mlle Rouzaire, en la menant à l’église, a su la rendre vraiment parfaite… Et je vous prie de comparer votre œuvre à celle de Mlle Rouzaire, mes deux garçons à ma fille. Ça vous juge, monsieur Froment.

De son air tranquille, Marc souriait. Cette aimable Hortense, une jolie fille de treize ans, formée déjà, très précoce, une des préférées de Mlle Rouzaire, enjambait parfois le mur mitoyen des deux cours de récréation, pour venir s’oublier avec les garçons de son âge, dans les coins. Souvent, il l’avait faite, cette comparaison, entre ses élèves à lui, les petits hommes dont il obtenait peu à peu plus de raison, plus de vérité, et les élèves de l’institutrice voisine, les fillettes nourries de la moelle cléricale, du mensonge et de l’hypocrisie, toutes confites en douceur, troublées et secrètement gâtées par la perversion du mystère. Ah ! qu’il aurait voulu les avoir, avec les garçons, ces filles qu’on élevait, qu’on instruisait à part, en leur cachant tout, en les échauffant de toutes les flammes mystiques : elles n’auraient plus enjambé les murs, pour venir à ce qu’on leur disait être le péché, le fruit défendu de damnation et de délices ! Il n’y avait de sain et de fort que l’école mixte, pour la libre, l’heureuse nation de demain. Simplement, il finit par répondre :

— Mlle Rouzaire fait son devoir comme elle l’entend ; et, de même, je fais le mien… Si les familles m’