Page:Zola - Vérité.djvu/275

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— Alors, que faire ?

— Rien, attendre. Soyez simplement sage et brave, je vous le répète. Embrassons-nous et comptons sur la force de la vérité et de la justice.

Pendant les deux mois qui suivirent, Marc fut admirable de sérénité vaillante, au travers des outrages dont on l’abreuvait chaque jour. Il avait l’air d’ignorer l’immonde flot boueux, battant sa porte. Il continuait à faire sa classe, avec une gaieté, une honnêteté merveilleuses. Jamais il n’accomplit une plus large ni plus utile besogne, se donnant tout à ses élèves, leur enseignant par la parole et par l’exemple la nécessité du travail, la passion du vrai et du juste, au milieu des pires événements. Tout ce que ses concitoyens lui jetaient de salissant et d’amer, il le rendait en douceur, en bonté, en sacrifice. Il s’efforçait tendrement de faire les enfants meilleurs que les pères, il ensemençait l’exécrable présent de l’heureux avenir, rachetant le crime des autres au prix de son propre bonheur. Entouré des petites intelligences dont il avait la charge, il retournait à leur candeur, à leur pureté, à la soif qu’elles avaient de découvrir le monde ; et il le redécouvrait, dans sa beauté, dans l’espoir que l’homme y serait fraternel et joyeux, lorsqu’il en saurait assez pour y vivre de certitude, de sagesse et d’amour, après avoir conquis les forces naturelles. C’était ce petit peuple à sauver un peu chaque jour de l’erreur et du mensonge, qui faisait son calme, sa force d’innocence. Et il attendait avec son tranquille sourire le coup qui devait le frapper, en homme content et certain, chaque soir, de sa besogne accomplie.

Un matin, Le Petit Beaumontais annonça que la révocation de « l’ignoble empoisonneur de Maillebois », comme il nommait l’instituteur, était signée. La veille, Marc avait appris une nouvelle démarche du comte de Sanglebœuf à la préfecture, et il n’eut plus d’espoir, sa perte