Page:Zola - Vérité.djvu/280

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même, au chef-lieu de canton, en y faisant consacrer la commune au Sacré-Cœur. Mais il s’était ensuite méfié, il y avait là tout un faubourg industriel, les quelques centaines d’ouvriers qui envoyaient des socialistes au conseil municipal ; et, malgré les frères, malgré les capucins, la crainte lui était venue de quelque échec retentissant. Aussi avait-il préféré agir à Jonville, où le terrain semblait admirablement préparé, quitte une autre fois, si l’on y réussissait, à recommencer ailleurs, sur un théâtre plus large. Désormais, l’abbé Cognasse régnait à Jonville, que l’instituteur Jauffre avait achevé de lui livrer, en lui abandonnant peu à peu les gens et les choses, tout le pouvoir si bravement conquis par Marc autrefois. La théorie de Jauffre était simple : il fallait être bien avec les parents, le maire, le curé surtout. Puisque le cléricalisme soufflait dans le pays, pourquoi ne pas se laisser porter par le cléricalisme ? N’était-ce pas le plus court chemin pour obtenir, à Beaumont, la direction d’une école importante ? Et gras, riche des quelques sous que lui avait apportés sa femme, il venait décidément, après avoir poussé celle-ci à se rapprocher du curé, de se donner également tout entier, sonnant la messe, chantant aux offices, conduisant ses élèves chaque dimanche à l’église. Le maire Martineau, autrefois anticlérical avec Marc, s’était d’abord ému des agissements du nouvel instituteur. Mais que dire à un instituteur qui n’était pas un pauvre, qui trouvait les meilleures raisons du monde pour expliquer qu’on avait toujours tort d’être contre les prêtres ? Martineau, ébranlé, avait commencé par laisser faire ; puis, la belle Mme  Martineau aidant, il s’était mis à déclarer en plein conseil que, tout de même, il y aurait intérêt à vivre d’accord avec le curé. Et un an avait dès lors suffi pour que l’abbé Cognasse devînt le maître absolu de la commune, son influence n’étant plus contrebalancée