Page:Zola - Vérité.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

déjà pas l’existence, et qui, lui parti, achèveraient de mourir de faim ?

Lorsque Marc apprit l’événement, il courut voir Salvan, à Beaumont. Cette fois, Le Petit Beaumontais n’avait pas menti, la révocation allait être signée, Le Barazer se montrait intraitable. Et, comme Marc suppliait son vieil ami de tenter une démarche encore, celui-ci tristement refusa.

— Non, non, c’est inutile, je me heurterais à une volonté formelle. Le Barazer ne peut pas faire autrement que d’agir ; du moins, il en a la conviction, toute sa politique d’opportuniste trouve là un moyen de se débarrasser des difficultés présentes… Et ne vous plaignez pas trop : s’il frappe Férou, c’est pour vous épargner.

Marc se récria, dit son trouble et sa douleur d’un tel dénouement.

— Vous n’en êtes pas responsable, mon cher enfant. Il jette aux cléricaux cette proie, puisqu’il leur en faut une, et il espère sauver ainsi le bon ouvrier que vous êtes. C’est une solution très distinguée, comme quelqu’un me l’expliquait hier… Ah ! oui, que de larmes, que de sang, pour réaliser le moindre progrès, et combien de pauvres morts doivent combler le fossé, afin que les héros passent !

Ce que Salvan avait annoncé se réalisa de point en point. Férou fut révoqué deux jours plus tard ; et, plutôt que de se résigner à faire son service militaire, il déserta, il se réfugia en Belgique, dans l’exaspération du déni de justice dont il était la victime. Son espoir était de trouver à Bruxelles une petite situation, qui lui permettrait d’y appeler près de lui sa femme et ses filles, de façon à reconstituer au loin le foyer détruit. Il se disait même soulagé d’échapper ainsi au bagne universitaire, il respirait à pleins poumons, en homme enfin libre de penser et d’agir. En attendant, sa femme était venue, avec les