Page:Zola - Vérité.djvu/290

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Des mois se passèrent, et Marc sentit chaque jour grandir et se poser la question redoutable : pourquoi avait-il épousé une femme dont la foi n’était pas la sienne ? n’allaient-ils pas tous les deux souffrir affreusement de ce désaccord, du gouffre qui séparait les deux mondes ennemis auxquels ils appartenaient ? Déjà, dans son esprit, la certitude inflexible était que, pour la sonne santé d’un ménage, comme on commençait à vouloir établir un examen physiologique, un certificat constatant l’absence de toute tare physique, il aurait fallu constater aussi le bon fonctionnement de la raison, le cœur et l’esprit indemnes de toute imbécillité héréditaire ou acquise. Deux êtres qui s’ignorent totalement, venus de deux patries différentes, avec des conceptions contradictoires et hostiles, l’un en marche vers la vérité, l’autre immobilisé dans l’erreur, ne peuvent que se heurter, se torturer et s’anéantir. Mais que d’excuses, au début, sous l’impérieux aveuglement de l’amour, et combien les réponses décisives étaient difficiles, lorsqu’on en venait aux cas particuliers, aux plus charmants et aux plus tendres !

D’ailleurs, Marc devait faire la part de l’exception où il se trouvait. Il n’accusait point encore Geneviève, il redoutait simplement de la voir devenir une arme mortelle aux mains de ces prêtres et de ces moines, contre lesquels il