Page:Zola - Vérité.djvu/307

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baisers. Elle se refusait, elle ne répondait même plus. Il sembla que le lit d’amour se fût glacé brusquement. Et la chambre était toute noire, toute douloureusement morte du malheur à venir.

Dès lors, l’attitude de Geneviève se fit plus nerveuse et plus fâchée. Chez ces dames, on ménageait moins son mari, on osait l’attaquer devant elle, par une gradation savante, en voyant diminuer sa tendresse pour lui. Il devenait peu à peu un malfaiteur public, un damné, un tueur du Dieu qu’elle adorait. Et le contrecoup de chacune des révoltes où elle était ainsi poussée, se faisait sentir dans son ménage, par paroles plus âpres, une aggravation de malaise et de froideur. De loin en loin, leur querelle recommençait, presque toujours le soir, au lit ; car, dans la journée, ils ne se voyaient guère, lui très pris par sa classe, elle sans cesse dehors, chez sa grand-mère ou à l’église. Leur tendresse achevait d’en être gâtée, elle se montrait très agressive, tandis que lui, si tolérant, cédait aussi à des impatiences.

— Ma chérie, j’aurai besoin de toi, demain, l’après-midi, pendant la classe.

— Demain, je ne peux pas, l’abbé Quandieu m’attend. Et puis, ne compte plus sur moi, pour n’importe quel travail.

— Tu ne veux plus m’aider ?

— Non, je réprouve tout ce que tu fais. Damne-toi, si cela t’amuse. Moi, je songe à mon salut.

— Alors, autant aller chacun de son côté ?

— Comme il te plaira.

— Oh ! chérie, chérie, est-ce toi qui parles ? Après avoir obscurci ton esprit, on va donc aussi te changer le cœur ! Te voilà complètement avec les corrupteurs, les empoisonneurs !

— Tais-toi, tais-toi, malheureux !… C’est ton œuvre qui n’est que mensonge et que poison. Tu blasphèmes,