Page:Zola - Vérité.djvu/312

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clique, les curés, les bons frères, les bonnes sœurs, nous avaleraient d’une bouchée et régneraient ici, vous ne vouliez pas me croire, vous m’accusiez d’avoir le cerveau malade… Eh bien ! vous y êtes, les voilà vos maîtres, vous verrez à quel ignoble gâchis ils vous mèneront. C’est à dégoûter d’être un homme, les chiens qui passent sont moins à plaindre… Non, non ! j’en ai assez, j’en finirai, si l’on m’embête !

Férou était parti au régiment, trois mois encore s’étaient écoulés et la misère, chez la triste Mme  Férou, avait grandi. Elle, si blonde, si agréable, avec sa face ronde, fraîche et gaie, semblait avoir le double de son âge, vieillie par les besognes trop rudes, les yeux brûlés par ses longues heures de couture. Elle ne trouvait pas toujours du travail, elle resta tout un mois d’hiver sans feu et presque sans pain. Pour comble de malheur, une de ses filles, l’aînée, venait de tomber malade, d’une fièvre typhoïde, et elle agonisait, dans la mansarde glacée, où le vent soufflait par les trous de la fenêtre et de la porte. Et ce fut alors que Marc, en dehors des aumônes discrètes qu’il avait déjà portées, pria sa femme de confier quelque travail à la malheureuse.

Geneviève s’était attendrie au récit de tant d’infortune, bien qu’elle parlât de Férou, comme on en parlait chez ces dames, avec une irritation vengeresse. Il avait outragé le Sacré-Cœur, il n’était qu’un sacrilège.

— Oui, promit-elle à Marc, Louise a besoin d’une robe, j’ai l’étoffe et je la porterai à cette femme.

— Merci pour elle, je t’accompagnerai, répondit-il.

Le lendemain, ils se rendirent ensemble chez Mme  Férou, dans le logement sordide dont le propriétaire menaçait de l’expulser, faute de payement. Sa fille aînée était mourante. Ils trouvèrent la mère sanglotant, au milieu d’un affreux désordre, tandis que ses deux plus jeunes filles, en loques, pleuraient, elles aussi, à fendre