Page:Zola - Vérité.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une hypocrite, je tâche simplement de gagner notre pain en travaillant.

— Eh bien ! demandez donc du travail aux misérables fous qui traitent les prêtres et les officiers de bandits.

Et Geneviève, hors d’elle, s’en alla, remportant la robe à faire. Marc fut obligé de la suivre. Mais lui-même était frémissant, secoué d’indignation. Et, dans l’escalier, il ne put se contenir.

— Tu viens de commettre une action mauvaise.

— Pourquoi ?

— S’il y avait un Dieu de bonté, il serait charitable à tous. Ton Dieu de colère et de châtiment n’est qu’une imagination monstrueuse… Pour être secouru, il n’est pas besoin de s’humilier, il suffit de souffrir.

— Non, non ! ceux qui ont péché méritent leur souffrance. Qu’ils souffrent, s’ils s’entêtent dans l’impiété ! Mon devoir est de ne rien faire pour eux.

Le soir, au lit, dans l’intimité conjugale, la querelle recommença ; et, pour la première fois, Marc fut violent à son tour, ne pouvant trouver de pardon à ce manque de charité, qui le bouleversait. Jusqu’à ce moment, l’esprit seul de Geneviève lui avait paru menacé : est-ce que le cœur, lui aussi, allait être gâté par la contagion ? Et, ce soir-là, des paroles irréparables furent dites, les époux s’aperçurent de l’abîme sans cesse creusé entre eux par des mains invisibles. Ensuite, ils tombèrent l’un et l’autre à un grand silence, dans la chambre noire et douloureuse, et ils ne se parlèrent pas de toute la journée du lendemain.

Mais une cause décisive de continuelle discussion venait de naître, qui devait par la suite consommer la rupture. Les années avaient marché, Louise allait avoir dix ans, et il était question de l’envoyer au catéchisme de l’abbé Quandieu, pour qu’elle se préparât à la première communion. Marc, qui avait prié Mlle  Rouzaire d’exempter