Page:Zola - Vérité.djvu/322

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entrer à l’École normale de Beaumont, après avoir obtenu son certificat d’études, dès sa douzième année. Quatre autres de ses élèves étaient aussi sortis avec ce certificat, les deux Doloir, Auguste et Charles, et les deux Savin, les jumeaux Achille et Philippe. Auguste avait pris le métier de maçon, comme son père, tandis que Charles était entré en apprentissage chez un serrurier. Quant à Savin, il n’avait jamais voulu écouter Marc qui lui conseillait de faire de ses fils des instituteurs, ne tenant pas, criait-il, à les voir mourir de faim, dans un métier ingrat, déshonoré, méprisé de tous ; et il s’était montré très fier de placer Achille chez un huissier, en attendant de découvrir un autre petit emploi pour Philippe. De son côté, Fernand Bongard venait tranquillement de reprendre le labour, dans la ferme de son père, n’ayant pu décrocher le certificat, tête dure, un peu affiné et d’esprit pourtant plus ouvert que ses parents. Il en était de même pour les filles, sorties de chez Mlle  Rouzaire : Angèle Bongard, mieux douée que son frère, avait rapporté à la ferme son certificat, en petite personne ambitieuse et maligne, très capable de tenir les comptes, rêvant d’améliorer son sort ; et Hortense Savin, sans certificat encore, à seize ans passés, était une jolie brune, très dévote, très sournoise, restée demoiselle de la Vierge, pour qui son père rêvait un beau mariage, mais sur laquelle courait une mystérieuse histoire de séduction, même d’une grossesse de jour en jour plus difficile à cacher. Et de nouveaux élèves étaient déjà venus chez Marc remplacer les aînés, dans le continuel flot montant des générations, un petit Savin, Léon, dont il avait vu l’adorable Mme  Savin enceinte, au moment de l’affaire Simon, et un petit Doloir, Jules, né après l’affaire, et qui allait avoir sept ans. Plus tard, les enfants de ces enfants, instruits par lui, viendraient à leur tour, et ce serait peut-être toujours lui, si on le laissait à son poste, qui les instruirait,