Page:Zola - Vérité.djvu/335

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modèle, que l’adjoint Mignot venait de voir, avait dû se contenter d’en déchirer le coin, d’en enlever au moins le cachet, afin de faire disparaître cette preuve certaine de la provenance.

Lentement, gravement, Marc déclara :

— Le frère Gorgias est le coupable, tout le prouve, et je le jure !

Une protestation indignée s’éleva autour de la table. Mme Duparque suffoquait. Mme Berthoreau, dont les tristes yeux allaient de sa fille à son gendre, dans la crainte de leur désunion, eut un geste de suprême désespérance. Et, tandis que la petite Louise, très attentive aux paroles de son père, ne bougeait pas, Geneviève se leva violemment, quitta la table, en disant :

— Tiens ! Tu ferais mieux de te taire… Je ne pourrais plus bientôt rester à côté de toi, car tu me forcerais à te haïr.

Le soir, quand Louise fut au lit et que le ménage lui aussi se trouva couché, dans la chambre noire, il y eut un moment de grand silence. Depuis le dîner, et même en chemin, pour le retour au logis, ni lui ni elle n’avaient prononcé une parole. Toujours, cependant, il revenait le premier, le cœur attendri, souffrant trop de leurs brouilles. Mais, lorsqu’il voulut la prendre avec douceur dans ses bras, elle le repoussa nerveusement, frissonnante d’une sorte de répulsion.

— Non, laisse-moi !

Blessé, il n’insista point. Et le lourd silence recommença. Puis, au bout d’un long moment, elle reprit :

— Je ne t’ai pas encore dit une chose… Je crois que je suis enceinte.

Vivement, dans une grande émotion heureuse, il se rapprocha d’elle, il s’efforça encore de la ramener contre sa poitrine.