Page:Zola - Vérité.djvu/364

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père, puisque tu n’as plus pour moi ni respect, ni obéissance. Vous finirez par me chasser d’ici.

Et elle s’en alla, elle s’enferma violemment dans sa chambre, ainsi qu’elle le faisait désormais, aux moindres contrariétés. C’était sa façon de terminer les querelles ; et, chaque fois, elle paraissait s’éloigner davantage, mettre plus d’espace entre elle et le cher foyer domestique d’autrefois.

Un événement acheva de lui faire croire qu’on agissait sur sa fille, pour la soustraire à son autorité. Mlle  Rouzaire, grâce à ses longues et savantes pratiques, venait enfin d’obtenir à Beaumont le poste de première adjointe, qu’elle ambitionnait depuis si longtemps. L’inspecteur d’académie Le Barazer avait cédé aux instances des députés et des sénateurs cléricaux, en tête desquels le comte Hector de Sanglebœuf marchait avec des allures bruyantes de grand capitaine. Mais, par compensation politique, et avec une malice dont il était coutumier, Le Barazer avait fait nommer, au poste de directrice devenu vacant à Maillebois, Mlle  Mazeline, l’institutrice de Jonville, l’ancienne collaboratrice de Marc, dont celui-ci estimait si haut la claire raison, la belle passion de vérité et d’équité. Peut-être aussi l’inspecteur d’académie, qui soutenait toujours ce dernier sourdement, avait-il voulu mettre à son côté une amie, travaillant à la même œuvre, ne l’entravant plus à chaque heure, comme faisait Mlle  Rouzaire ; et il affecta de s’étonner, lorsque le maire Philis, au nom du conseil municipal, osa se plaindre d’un tel choix, qui allait mettre les filles de Maillebois entre les mains d’une incroyante : n’avait-il pas fait ce que demandait le comte Hector de Sanglebœuf ? pouvait-on s’en prendre à lui, si le roulement administratif du personnel l’avait amené à choisir une personne des plus méritantes, dont les familles ne s’étaient jamais plaintes jusque-là ? Et, en effet, ses débuts à Maillebois furent très heureux,