Page:Zola - Vérité.djvu/37

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— Vous savez bien, répondit-il, que ma femme a sa tante épicière à Maillebois. Alors, nous sommes venus la voir… Mais dites donc, quelle ignominie, ce gamin, ce pauvre petit bossu violé, étranglé ! Et voilà une histoire qui va permettre à cette sale prêtraille de taper sur nous, les pervertisseurs, les empoisonneurs de la laïque !

Marc le considérait comme un garçon très intelligent, ayant beaucoup lu, mais aigri par son étroite vie de privations, jeté à une amertume violente, aux idées extrêmes de revendication et de revanche. Pourtant, il fut troublé par l’âpreté de ce cri.

— Comment, taper sur nous ? demanda-t-il. Je ne vois pas ce que nous avons à faire là-dedans ?

— Ah bien ! vous êtes naïf. Vous ne connaissez pas l’espèce, vous allez voir tous les ensoutanés, tous les bons pères et les chers frères à l’œuvre… Dites-moi, est-ce qu’ils n’ont pas déjà laissé entendre que c’était Simon qui avait lui-même violé et étranglé son neveu ?

Du coup, Marc se fâcha. Vraiment Férou allait trop loin, dans sa haine de l’Église.

— Mais vous êtes fou ! Personne ne soupçonne, n’oserait même soupçonner Simon un instant. Tous rendent justice à son honnêteté, à sa bonté. Le curé Quandieu vient de me dire qu’il a eu la preuve de sa conduite paternelle à l’égard de la triste victime.

Un rire convulsif agita le grand corps maigre de Férou, et ses cheveux se hérissèrent davantage sur sa longue tête chevaline.

— Ah ! non, vous êtes trop drôle, vous croyez qu’on va se gêner avec un sale juif ! Est-ce qu’un sale juif, ça mérite la vérité ? Votre Quandieu et toute la bande diront ce qu’il faudra dire, s’il est nécessaire que le sale juif soit le coupable, grâce à la complicité de nous tous, les sans-Dieu et les sans-patrie, qui pourrissons la jeunesse française !