Page:Zola - Vérité.djvu/378

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Geneviève, immobile, l’écarta d’un geste de haine.

— T’embrasser, pourquoi ? parce que tu as été l’ouvrier d’un acte infâme, parce que tu es heureux de cette victoire criminelle contre la religion ? C’est ton pays, c’est ta famille, c’est toi-même que tu jettes à la ruine, à la boue, pour sauver ton juif immonde, le plus grand scélérat de la terre.

Avec douceur encore, il tâcha de l’apaiser.

— Voyons, ma chérie, ne dis pas ces choses. Toi si intelligente, si bonne autrefois, comment peux-tu répéter de pareilles monstruosités ? C’est donc vrai, que l’erreur est contagieuse, au point d’obscurcir les plus solides raisons ?… Réfléchis, tu connais l’affaire, Simon est innocent, le laisser au bagne est une iniquité affreuse, un poison de pourriture sociale dont la nation finirait par mourir.

— Non, non ! cria-t-elle, dans une sorte d’exaltation mystique, Simon est coupable, il a été condamné irrévocablement, des hommes d’une sainteté reconnue l’ont accusé et l’accusent encore, et pour qu’il fût innocent, il faudrait donc ne plus croire à la religion, croire capable d’erreur Dieu lui-même. Non, non ! il doit rester au bagne, le jour où il en sortirait serait la fin de tout ce qu’il y a ici-bas de vénérable et de divin.

Peu à peu, Marc était pris d’impatience.

— Je ne comprends pas qu’une question de vérité et de justice si claire puisse nous séparer. Le ciel n’a rien à voir en tout ceci.

— Pardon, il n’y a ni vérité ni justice en dehors du ciel.

— Ah ! tu viens de dire le grand mot, voilà qui explique notre désaccord et notre torture. Tu penserais encore comme moi, si tu n’avais pas mis le ciel entre nous deux, et tu me reviendras, le jour où tu consentiras à redevenir, sur cette terre, une intelligence saine, un