Page:Zola - Vérité.djvu/381

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enseignez donc à vos élèves le respect de Dieu et de leurs parents… Chacun chez soi, n’est-ce pas ?

Et, comme l’institutrice, le cœur gros, se retirait, sans une parole, désireuse surtout de ne pas aggraver la querelle, la mère revint à sa fille.

— Tu m’écoutes, Louise… Et toi, Marc, écoute-moi bien aussi… J’en ai assez, je vous jure que j’en ai assez, et ce qui se passe ce soir, ce qui vient de se dire achève de combler la mesure… Vous ne m’aimez plus, vous me torturez dans ma foi, vous voulez me chasser de la maison.

Au fond de la grande salle pleine d’ombre, la fille pleurait, désolée, bouleversée, tandis que le mari, immobile, saignait de cet arrachement suprême. Une même protestation leur échappa.

— Te chasser de la maison !

— Oui ! vous faites tout pour me la rendre insupportable… Eh bien ! il m’est impossible de rester davantage dans ce lieu de scandale, d’erreur et d’impiété, où chaque parole, chaque geste me blessent et me révoltent. On me l’a répété vingt fois, que ce n’était pas ma place, et je ne veux pas me damner avec vous, et je m’en vais, je retourne d’où je viens.

Elle avait mis une force extraordinaire dans ce cri.

— Chez ta grand-mère, n’est-ce pas ?

— Chez ma grand-mère, oui ! C’est l’asile, le refuge de souveraine paix. On sait au moins m’y comprendre et m’y aimer. Jamais je n’aurais dû quitter cette maison sainte de ma jeunesse… Adieu ! ni mon âme ni mon corps n’ont plus rien qui les retienne ici !

Et, farouche, elle se dirigea vers la porte, d’une marche un peu vacillante, alourdie par sa grossesse. Louise pleurait toujours à gros sanglots. Mais, résolument, Marc fit un dernier effort, en essayant de barrer le passage.