Page:Zola - Vérité.djvu/382

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— À mon tour, je te prie de m’écouter… Que tu veuilles retourner d’où tu viens, cela ne me surprend pas, car, je le sais, on y a tout fait pour te reprendre, pour t’arracher de moi. C’est une maison de deuil et de vengeance… Seulement, tu n’es pas seule, il y a l’enfant que tu portes et que tu ne peux m’enlever ainsi, pour le donner à d’autres.

Geneviève s’était arrêtée devant son mari, adossé à la porte. Elle sembla grandir, plus haute, plus têtue, et elle lui jeta dans la face :

— Je pars justement afin de te l’enlever, de le soustraire à ton abominable influence. Je n’entends pas que tu en fasses aussi un païen, de celui-là, que tu le perdes d’esprit et de cœur, comme cette malheureuse enfant. Il est encore à moi, je pense, et tu ne vas pas me battre, sous prétexte de le garder… Allons, ôte-toi de cette porte, laisse-moi partir.

Il ne répondit pas, il faisait un effort surhumain pour ne pas employer la force, en cédant à la colère. Un instant, ils se regardèrent, dans la faible lueur qui achevait de s’éteindre.

— Ôte-toi de cette porte, répéta-t-elle durement. Comprends donc que ma résolution est formelle. Tu ne veux pas d’un scandale, n’est-ce pas ? Tu n’aurais rien à y gagner, on te révoquerait, on t’empêcherait de poursuivre ce que tu appelles ton œuvre, ces enfants que tu m’as préférés et dont tu feras des bandits, avec tes belles leçons… Va, va, ménage-toi, conserve-toi pour ton école de damnés, et laisse-moi retourner à mon Dieu, qui te châtiera un jour.

— Ah ! ma pauvre femme, murmura-t-il très bas, blessé au cœur, ce n’est pas toi, qui parles, heureusement ; ce sont les tristes gens qui t’emploient contre moi, comme une arme meurtrière ; et je reconnais bien leurs paroles, l’espoir d’un drame, le désir ardent de ma révocation, mon école fermée, mon œuvre morte. C’est toujours le justicier,