Page:Zola - Vérité.djvu/384

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Mais Louise, perdue dans les ténèbres, s’élança, voulut à son tour l’empêcher de partir.

— Oh ! maman, maman, tu ne peux pas nous quitter ainsi. Nous qui t’aimons tant, qui ne voulons que ton bonheur !

La porte s’était refermée, il ne vint plus qu’un dernier cri lointain, étouffé dans un bruit de pas rapides.

— Adieu ! adieu !

Alors, Louise, chancelante, sanglotante, alla s’abattre entre les bras de son père, et longtemps, tombés tous les deux sur un banc de la classe, ils pleurèrent ensemble. La nuit s’était complètement faite, on n’entendait plus que le petit bruit de leurs sanglots, dans la vaste salle obscure. De la maison vide, venait un grand silence d’abandon et de deuil. L’épouse, la mère, s’en était allée, on l’avait volée à l’homme et à l’enfant, pour les torturer, les jeter au désespoir. Toute la longue machination venait d’apparaître à Marc, l’hypocrite travail souterrain qui lui faisait saigner le cœur, en lui arrachant sa Geneviève adorée, dans le but de l’affaiblir, de le pousser à quelque brusque révolte, qui les emporterait, lui et son œuvre. Et il avait eu la force d’accepter son supplice, et personne au monde ne saurait son tourment, car personne ne le voyait sangloter avec sa fille dans les ténèbres de son foyer désert, en pauvre homme qui n’avait plus que cette enfant, pris de terreur à l’idée de se la voir, elle aussi, arracher un jour.

Puis, le soir même, comme Marc devait faire un cours d’adultes, les quatre becs de gaz flambèrent, la classe s’éclaira, s’emplit de monde. Plusieurs de ses anciens élèves, des ouvriers, des jeunes gens du petit commerce, suivaient très assidûment ces cours d’histoire, de géographie, de science physique et naturelle. Marc, installé à son bureau, parla pendant une heure et demie, très clairement, combattant l’erreur, apportant aux cerveaux confus des