Page:Zola - Vérité.djvu/394

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ouvrir la porte de communication, dont les verrous étaient tirés de part et d’autre, et elle voisinait, elle délaissait un peu son propre jardin pour celui de l’instituteur, où il y avait une table et des sièges, sous une touffe de lilas. Ils en plaisantaient, ils appelaient cela le bois, comme s’ils se fussent abrités sous de grands chênes, en un coin de forêt. La maigre pelouse devenait une vaste prairie, les deux plates-bandes prolongeaient tout un royal parterre. Et, après la rude journée, la conversation était très douce, dans la paix du crépuscule.

Un soir, Louise, qui réfléchissait de son air grave de grande fillette, demanda brusquement :

— Mademoiselle, pourquoi ne vous êtes-vous pas mariée ?

L’institutrice eut un bon rire.

— Oh ! ma chérie, tu ne m’as donc pas regardée ! Ce n’est pas avec mon nez trop gros et ma taille de rien du tout qu’on trouve aisément un mari.

Étonnée, l’enfant l’examina, car jamais elle ne l’avait vue laide. C’était bien vrai, elle n’était pas grande, elle avait un nez trop gros, une face large au front bombé, aux pommettes saillantes. Mais ses admirables yeux souriaient si tendrement, que tout le visage en resplendissait d’un charme profond.

— Vous êtes très jolie, déclara Louise avec conviction. Moi, si j’étais un homme, je voudrais bien me marier avec vous.

Cela égaya beaucoup Marc, tandis que Mlle Mazeline était prise d’une émotion contenue, où il y avait quelque mélancolie.

— Il paraît que les hommes n’ont pas ton goût, dit-elle en retrouvant sa tranquille joie. De vingt à vingt-cinq ans, je me serais mariée volontiers ; mais je n’ai rencontré personne qui voulût bien de moi. Et ce n’est pas aujourd’hui, à trente-six ans, que je me marierais.