Page:Zola - Vérité.djvu/426

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lassitude, jamais tu ne me convaincras de la nécessité d’une rupture entre nous deux.

Elle le sentit qui faiblissait.

— Mais ce n’est pas une rupture, mon papa. J’allais bien voir maman deux fois par semaine, je viendrai te voir, et plus souvent… Enfin, comprends-tu ? maman m’écoutera peut-être un peu, lorsque je serai près d’elle. Alors, je lui parlerai de toi, je lui dirai combien tu l’aimes toujours, combien tu la pleures. Et, qui sait ? elle réfléchira, je te la ramènerai.

Leurs larmes coulèrent à tous les deux, ce fut un grand attendrissement, aux bras l’un de l’autre. Le père était bouleversé par le charme profond de cette enfant, chez laquelle tant de puérilité encore se mêlait à tant de raison, de bonté et d’espoir. Et la fille s’abandonnait à son cœur, comme mûrie avant l’âge, par des choses qu’elle sentait confusément et qu’elle n’aurait pu dire.

— Fais donc comme il te plaira, finit-il par bégayer, au milieu des pleurs. Mais, si je cède, je ne puis t’approuver, tout mon être se révolte et proteste.

Telle fut la dernière soirée qu’ils passèrent ensemble. Au-dehors, la chaude nuit restait d’un noir d’encre, sans un souffle. Par la fenêtre grande ouverte, pas un bruit ne venait de la ville anéantie. Seuls, des vols silencieux de papillons entraient, se brûlaient à la lampe. L’orage n’éclata pas, et très tard, le père et la fille, sans se parler davantage, demeurèrent assis face à face, à leur table de travail, comme enfoncés dans leur besogne, simplement heureux d’être encore ensemble, au milieu de cette paix immense.

Mais, le lendemain, quelle affreuse soirée pour Marc ! Sa fille était partie, il se trouvait absolument seul, dans le logis vide et morne. Après l’épouse, l’enfant, et il n’avait plus personne qui l’aimât, on lui avait arraché lambeau à lambeau, tout son cœur. Auparavant, afin