Page:Zola - Vérité.djvu/433

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— Ah ! s’il fallait tout retenir, monsieur Froment, on aurait vraiment la tête trop encombrée… moi, je vous répète ce que j’entends dire partout. De plus malins que moi en donnent leur parole d’honneur… Et, du reste, j’ai lu quelque chose comme ça dans Le Petit Beaumontais d’avant-hier. Puisque c’est imprimé, faut bien tout de même qu’il y ait du vrai.

Marc eut un geste désespéré. Eh quoi ! par des années d’efforts, il n’avait pas gagné davantage sur l’ignorance ! Ce garçon restait une proie aisée à l’erreur et au mensonge, il accueillait les plus stupides inventions, il n’avait ni la liberté d’esprit ni la logique nécessaires pour discuter les fables de son journal. Et sa crédulité demeurait telle, que sa femme elle-même, la blonde Lucile, plus affinée, parut en souffrir.

— Oh ! dit-elle en levant les yeux de son ouvrage, un trésor de cinq millions, c’est beaucoup.

Elle, une des élèves passables de Mlle Rouzaire, bien qu’elle n’eût pas obtenu son certificat d’études, semblait s’être éveillée à l’intelligence. On la disait dévote, l’institutrice la citait autrefois avec quelque orgueil, pour la façon dont elle récitait le long évangile de la Passion, sans une faute. Mais, depuis son mariage, elle ne pratiquait plus, tout en gardant les soumissions sournoises, les restrictions hypocrites de la femme que l’Église a faite sienne. Et elle discutait même un peu.

— Cinq millions dans une cachette, répéta Marc, cinq millions qui dormiraient là, en attendant le retour de mon pauvre Simon, c’est fou !… Et que faites-vous de tous les nouveaux documents découverts, de toutes les preuves qui accablent le frère Gorgias ?

Lucile s’enhardissait. Elle eut un joli rire, elle s’écria :

— Celui-là, sûrement, ne vaut pas cher. Peut-être bien qu’il en a gros sur la conscience, mais on devrait tout de