Page:Zola - Vérité.djvu/440

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— Pourtant, madame, si on vous prenait un de vos fils, si on l’envoyait au bagne, innocent, l’affaire vous regarderait. Et nous luttons uniquement pour empêcher le retour de cette monstrueuse injustice.

— Possible, monsieur Froment. Mais on ne me prendra pas un de mes fils, parce que, justement, je tâche d’être bien avec tout le monde, même avec les curés. Ils sont très forts, les curés, voyez-vous ! J’aime mieux ne pas me les mettre sur le dos.

Doloir voulut intervenir, en bon patriote.

— Oh ! les curés, je m’en fiche ! c’est la patrie qu’il faut défendre, et le gouvernement est en train de l’humilier devant les Anglais.

— Toi, tu vas me faire aussi le plaisir de te taire, reprit sa femme. Le gouvernement comme les curés, le mieux est de laisser tout ça tranquille. Tâchons de manger du pain, ça sera déjà bien gentil.

Et Doloir dut plier les épaules, bien que, devant les camarades, il se posât en socialiste, sans trop savoir. Auguste et Charles, d’une génération plus instruite, donnaient cependant raison à leur mère, presque gâtés par leur demi-instruction mal digérée, comme tombés à plus de doute, et d’égoïsme, trop ignorants encore pour admettre cette loi d’humaine solidarité, qui veut que le bonheur de chacun soit fait du bonheur de tous. Et, seul, le petit Jules, avec son ardente soif d’apprendre, se passionnait, attendait, inquiet de la façon dont tournaient les choses.

Marc, désolé, sentant l’inutilité de discuter davantage, se dirigea vers la porte. Il se contenta de dire, en prenant congé :

— Eh bien ! madame, nous vous reverrons, nous recauserons, et j’espère vous amener à mon idée de laisser Jules travailler pour être instituteur.

— C’est ça, monsieur Froment. Mais, vous savez, il ne