Page:Zola - Vérité.djvu/460

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les sympathies anciennes se renouaient, prenaient une force tendre et grave, entre Sébastien et Sarah, entre Joseph et Louise, tandis que lui, souriant, n’attendant plus la victoire que du petit peuple de demain, laissait agir la bonne nature, le bienfaisant amour.

Brusquement, au milieu des lenteurs désespérantes de la Cour de cassation, dans un moment où tout courage les abandonnait, David et Marc reçurent une lettre de Delbos leur apprenant une grande nouvelle et les priant d’en venir causer chez lui. Ils y coururent. La grande nouvelle, qui allait éclater dans Beaumont comme un coup de foudre, était que Jacquin, l’architecte diocésain le chef du jury qui avait autrefois condamné Simon, se décidait enfin à soulager sa conscience, après un long et cruel débat. Très pieux, se confessant et communiant, cet homme d’une foi stricte et d’une parfaite honnêteté, avait fini par se sentir inquiet sur son salut, en se demandant si, détenteur de la vérité, il pouvait la taire davantage, sans courir le risque de se damner à jamais. On racontait que son directeur, perplexe, n’osant se prononcer, lui avait donné le conseil de consulter le père Crabot ; et, disait-on, si l’architecte, pendant des mois encore, avait gardé le silence, cela venait de l’extraordinaire pression exercée sur lui par le père jésuite, qui l’empêchait de parler, au nom des intérêts politiques de l’Église. Mais, justement, si Jacquin ne pouvait garder son terrible secret plus longtemps, c’était dans son angoisse de chrétien, dans sa foi en la divinité du Christ, descendu sur la terre pour assurer le triomphe de la vérité et de la justice. Cette vérité dont la possession le brûlait, aujourd’hui, était la communication au jury, par le président Gragnon, d’un document dont ni la défense ni l’accusé n’avaient eu connaissance. Appelé dans la chambre des délibérations, afin d’éclairer les jurés sur l’application de la peine, le