Page:Zola - Vérité.djvu/466

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Salvan, qui s’en montrait désolé. Aussi quel gai et triomphal accueil, lorsque le bon Salvan reçut la visite de Marc, avec la grande nouvelle, la certitude de la révision prochaine. Il l’embrassa, il lui apprit le pressant danger dont pouvait seule le tirer la décision heureuse de la Cour.

— Mon cher enfant, si la révision n’était pas accordée, vous seriez révoqué certainement, car vous vous êtes trop engagé cette fois, toute la réaction demande votre tête… Enfin, je suis bien content, vous voilà victorieux, c’est notre école laïque qui triomphe.

— Et elle en a grand besoin, dit Marc, tant sont encore étroits les terrains conquis sur l’erreur et l’ignorance, malgré vos efforts personnels pour doter le pays de bons instituteurs.

Salvan eut son geste d’inébranlable espoir.

— Certes, il y faudra plusieurs vies d’hommes. N’importe, nous marchons, nous arriverons.

Mais ce qui acheva de prouver à Marc qu’il était vraiment victorieux, ce fut la façon dont l’inspecteur primaire, le beau Mauraisin, se précipita vers lui, ce jour-là, au moment où il sortait de chez Salvan.

— Ah ! cher monsieur Froment, que je suis heureux de vous rencontrer ! On a si peu occasion de se voir, en dehors des nécessités du service !

Depuis la reprise de l’affaire, Mauraisin était travaillé d’une inquiétude mortelle. Le modèle d’écriture retrouvé, le coin déchiré par le père Philibin, le faux nouvellement découvert, l’avaient jeté dans la crainte terrible d’avoir fait fausse route. Jusque-là, il s’était ouvertement engagé avec les anti-simonistes, en pensant que les curés s’arrangeraient toujours pour ne pas rester sur le carreau. Et, s’ils perdaient la partie, comment allait-il, s’en tirer lui-même, éperdu à la pensée de n’être pas avec les plus forts ?