Page:Zola - Vérité.djvu/467

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Il se pencha vers Marc, pour lui dire à l’oreille, bien que personne ne passât dans la rue :

— Vous savez, mon cher Froment, moi, je n’ai jamais douté de l’innocence de Simon. J’en étais convaincu, au fond. Seulement, n’est-ce pas ? nous sommes tenus à tant de prudence, nous autres hommes publics !

Depuis longtemps, Mauraisin guettait la succession de Salvan ; et, si les simonistes l’emportaient, il trouvait bon de se les ménager, d’être avec eux, dès la veille de leur victoire. Mais il n’était pas encore assez certain de cette victoire, pour trop s’afficher en leur compagnie. Aussi se hâta-t-il de quitter Marc, en lui chuchotant, avec une dernière poignée de main :

— Le triomphe de Simon sera notre triomphe à tous.

À Maillebois, quand il y rentra, Marc sentit aussi quelque chose de changé. Darras, l’ancien maire, qu’il rencontra, ne se contenta pas de le saluer discrètement comme il faisait d’habitude. Il l’arrêta au beau milieu de la Grand-Rue, il causa plus de dix minutes, très haut, s’égayant, riant. Lui était un simoniste de la première heure ; mais, depuis, dans son ennui d’avoir dû céder sa situation de maire au clérical Philis, et dans son désir de le déloger, il avait mis son drapeau en poche, muet et diplomatique, verrouillant les portes, avant de dire ce qu’il pensait. Pour qu’il s’oubliât de la sorte, au grand jour, il fallait vraiment que le prochain acquittement de Simon lui parût certain. Et, justement, comme le clérical Philis vint à passer, se hâtant le long du trottoir, la tête basse, l’œil furtif, Darras s’amusa, jeta un regard d’intelligence à Marc, en disant :

— Hein ? mon cher monsieur Froment, ce qui fait le plaisir des uns fait le tourment des autres. Chacun son tour.

Un grand revirement, en effet, s’indiquait dans le public. Pendant les quelques semaines qui suivirent, Marc