Page:Zola - Vérité.djvu/472

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doucement, s’en aller à petits pas vers le parc, entre lui et sa femme, très gaie et très maternelle pour les deux.

Le baron Nathan était vivement rentré dans le grand salon, dont il referma la porte-fenêtre ; et, presque aussitôt, Marc l’entendit qui venait le prendre.

— Mon cher monsieur Froment, si vous voulez bien me suivre.

Il lui fit traverser une salle de billard. Puis, ouvrant la porte du grand salon, il s’effaça, il l’introduisit, comme ravi de l’étrange rôle qu’il jouait, l’échine pliée, en une attitude où l’humilité de la race reparaissait chez le roi triomphant de la finance.

— Veuillez entrer, on vous attend.

Et il n’entra pas, il referma discrètement la porte, disparut, tandis que Marc, stupéfait, se trouvait en présence du père Crabot, debout dans sa longue robe noire, au milieu de la vaste pièce somptueuse, aux tentures rouge et or. Il y eut un instant de silence.

Le jésuite, d’aspect si noble, de haute allure mondaine, lui parut vieilli, blanchi, le visage ravagé par les terribles inquiétudes dont la tourmente passait sur sa tête, depuis quelque temps. Mais la voix avait gardé sa caresse, ses graves inflexions séductrices.

— Monsieur, puisque les circonstances nous ont amenés à la même heure dans cette maison amie, vous m’excuserez d’avoir provoqué un entretien que je désire depuis longtemps. Je connais vos mérites, je sais rendre hommage à toutes les convictions, quand elles sont sincères, loyales et braves.

Il continua longuement, combla d’éloges son adversaire, comme pour l’étourdir et se le gagner. Mais la méthode était vraiment trop connue, trop enfantine, et Marc, après s’être incliné par politesse, attendait d’un air tranquille, s’efforçant même de cacher sa curiosité vive,