Page:Zola - Vérité.djvu/473

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car un tel homme devait avoir une raison très grave pour en venir à risquer une pareille entrevue.

— Combien il est déplorable, s’écria enfin le père Crabot, que les malheurs du temps séparent des intelligences dignes de s’entendre ! Il est des victimes de nos discordes vraiment à plaindre. Et, tenez ! par exemple, le président Gragnon…

Mais il se reprit, en voyant le vif mouvement que laissa échapper l’instituteur.

— Je nomme celui-là, parce que je le connais bien. Il est mon pénitent, mon ami. On ne saurait rencontrer une âme plus haute, un cœur plus droit, plus loyal. Et vous n’ignorez pas l’affreuse situation où il se trouve, cette accusation de forfaiture, cet effondrement de toute sa vie de magistrat. Il n’en dort plus, il vous ferait pitié, si vous assistiez à son agonie.

Enfin, Marc comprenait. On voulait sauver Gragnon, le fils hier tout-puissant de l’Église, qui elle-même se sentirait diminuée, s’il était abattu.

— Je comprends son tourment, répondit-il enfin, mais il paye sa faute. Un magistrat doit connaître la loi, et la communication illégale dont il s’est rendu coupable a eu d’effroyables conséquences.

— Eh ! non, je vous assure, il a agi très naïvement, s’écria le jésuite. Cette lettre, reçue au dernier moment, lui paraissait sans importance. Il l’avait gardée à la main, en se rendant à la salle des délibérations, sur l’appel du jury, et il ne sait même plus comment il a pu la montrer.

Doucement, Marc haussa les épaules.

— Alors, il n’aura qu’à raconter cela aux nouveaux juges, si le procès recommence… Je ne comprends pas très bien votre intervention auprès de moi. Je ne puis rien.

— Oh ! ne dites pas cela, monsieur ! Nous connaissons votre grand pouvoir, sous