Page:Zola - Vérité.djvu/474

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l’apparence modeste de votre situation. Et c’est pourquoi j’ai songé à m’adresser à vous. Vous avez été la volonté pensante et agissante, dans toute l’affaire. Vous êtes l’ami de la famille Simon, elle fera ce que vous lui conseillerez, ne voudrez-vous donc pas épargner un malheureux, dont la perte ne vous est pas indispensable ?

Il joignait les mains, il suppliait son adversaire, avec une telle ferveur, que celui-ci, repris d’étonnement, se demandait pourquoi une démarche si désespérée, une insistance à ce point maladroite et impolitique. Le jésuite sentait donc perdue la cause qu’il défendait ? et avait-il donc des renseignements particuliers qui lui permettaient de considérer la révision comme acquise ? Il en venait à faire la part du feu, il abandonnait ses créatures d’autrefois, trop compromises aujourd’hui. Ce pauvre frère Fulgence était un esprit fumeux, déséquilibré, gâté d’orgueil, dont l’action avait eu des conséquences funestes. Ce malheureux père Philibin avait toujours été, certes, un religieux plein de foi, mais il offrait tant de lacunes, un manque déplorable de sens moral. Et, quant à ce désastreux frère Gorgias, il le jetait complètement à l’eau, un de ces enfants perdus et aventureux qui sont la plaie de l’Église. S’il n’allait pas jusqu’à reconnaître l’innocence possible de Simon, il n’était pas loin de croire le frère Gorgias capable de tous les crimes.

— Vous le voyez, cher monsieur, je ne m’abuse guère, mais il est d’autres hommes, vraiment, auxquels il serait cruel de faire payer trop cher de simples erreurs. Aidez-nous à les sauver, nous vous en récompenserons, en cessant de vous combattre sur d’autres points.

Jamais Marc n’avait eu une sensation aussi nette de sa force, la force même de la vérité. Il causa, il entama toute une longue discussion, voulant se faire une opinion définitive, sur la valeur du père Crabot. Et sa stupéfaction