Page:Zola - Vérité.djvu/494

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des Apennins où ce héros agonisait, il le montrait en martyr de la foi, tel que d’ardents anti-simonistes l’avaient représenté, sur une image pieuse, avec une auréole et une palme. Et il partait de là pour se glorifier lui-même, d’une véhémence extraordinaire, d’une beauté frénétique de carrure et d’impudence. Il en devenait superbe, dans un tel mélange de franchise et de mensonge, d’énergie et de duplicité, qu’à coup sûr le bas coquin qui était en lui aurait pu tourner au grand homme, si le destin l’avait voulu. Ainsi que ses supérieurs se plaisaient à le reconnaître encore, il demeurait le religieux modèle, d’une foi admirable, exclusive et combattante, donnant à l’Église la royauté du ciel et de la terre, se considérant comme son soldat, auquel il était permis de tout faire pour la défendre. Il y avait Dieu, puis il y avait ses chefs et lui ; et, quand il avait rendu compte de ses actes à ses chefs et à Dieu, le reste du monde n’avait qu’à se soumettre. Encore ses chefs ne comptaient plus, lorsqu’il les jugeait indignes. Il demeurait alors seul devant Dieu, il n’y avait plus que lui et Dieu. Aussi les jours où il s’était confessé, où Dieu l’avait absous, se considérait-il comme l’unique, le pur, ne devant compte de ses actions à personne, en dehors des lois humaines. N’était-ce pas l’essentielle vérité catholique qui ne fait, au fond, relever ses ministres que de l’autorité divine ? et ne fallait-il pas toute la lâcheté mondaine d’un père Crabot, pour s’inquiéter de l’imbécile justice humaine et de l’opinion stupide des foules ?

Et, du reste, dans sa seconde lettre, le frère Gorgias admettait, avec son impudeur sereine, qu’il lui arrivait de pécher. Il se frappait rudement la poitrine, il criait qu’il n’était qu’un loup et qu’un porc, il se jetait avec humilité dans la poussière, aux pieds de son Dieu. Tranquille ensuite, ayant payé, il continuait à servir saintement l’Église, jusqu’au jour où le limon de la création, le replongeant