Page:Zola - Vérité.djvu/50

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Elle eut un léger rire, avec un doux haussement d’épaules.

— Oh ! grand-mère est en querelle avec les anges eux-mêmes. Quand on fait la moitié de ce qu’elle exige, on en fait encore assez.

Cela les égaya tous les deux ; et, Louise s’étant éveillée à son tour, ils goûtèrent, à jouer avec elle, dans son petit lit, quelques minutes délicieuses.

Marc résolut donc de sortir et de reprendre son enquête, après le premier déjeuner. Il réfléchissait tranquillement, sainement, tout en faisant sa toilette. Le gros bourg de Maillebois lui était bien connu, avec ses deux mille habitants, sa population composée de petits bourgeois, de petits boutiquiers, et de huit cents ouvriers environ, répartis dans les ateliers de quatre ou cinq grands entrepreneurs, qui prospéraient tous, grâce au voisinage de Beaumont. Ainsi coupée presque en deux, cette population se disputait l’autorité, et le conseil municipal en était l’image fidèle, coupé lui aussi par la moitié, une moitié cléricale et réactionnaire, une moitié républicaine et progressiste, toujours en lutte. On n’y comptait encore que deux ou trois socialistes, tellement noyés dans le flot, que leur action était nulle. Pourtant, le maire, l’entrepreneur de maçonnerie Darras, était un républicain avéré, qui faisait même profession d’anticléricalisme ; et il devait justement son élection à l’état d’équilibre où les partis se trouvaient dans le conseil. À une majorité de deux voix, on l’avait préféré lui, riche, actif, ayant près d’une centaine d’ouvriers sous ses ordres, au petit rentier Philis, retiré d’une fabrication de bûches avec dix à douze mille francs de rente, mais de vie étroite et sévère, clérical militant enfermé dans la plus étroite dévotion. Et Darras devait donc se montrer d’une grande prudence, en se sentant à la merci d’un déplacement de quelques voix. Ah ! s’il avait eu une majorité républicaine solide,