Page:Zola - Vérité.djvu/507

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le juge d’instruction Daix, Mauraisin, Salvan, Sébastien et Victor Milhomme, Polydor Souquet, les enfants des Bongard, des Doloir et des Savin. Elle avait également cité le père Crabot, le père Philibin, le frère Fulgence, le frère Gorgias ; mais on savait que ces trois derniers ne se présenteraient pas. De son côté, le procureur de la République Pacart s’était contenté de rappeler les témoins de l’accusation, qui avaient témoigné au premier procès. Les rues de Rozan, depuis la veille, s’animaient enfin du flot de ces témoins, des journalistes, des curieux, dont chaque train amenait un nouvel arrivage. Autour du palais de justice surtout, la foule stationna dès six heures du matin, dans le désir surexcité d’apercevoir Simon. Mais des forces militaires considérables étaient mobilisées, on fit évacuer la rue, Simon la traversa entre deux haies de soldats si épaisses, que personne ne put distinguer ses traits. Il était huit heures. On avait choisi cette heure matinale pour éviter la grosse chaleur, les audiences lourdes et suffocantes.

Ce n’était plus la salle des assises de Beaumont, toute neuve, avec le ruissellement de ses ors, sous la clarté crue des hautes fenêtres. La cour d’assises de Rozan, installée dans un antique château féodal, occupait une petite salle, lambrissée de vieux chêne, à peine éclairée par des baies profondes. On aurait dit une des ces chapelles noires où l’Inquisition rendait ses sentences. Peu de dames avaient pu être admises, toutes portaient d’ailleurs des toilettes sombres. La presque totalité des bancs se trouvait occupée par les témoins, l’autre espace réservé au public debout avait dû être réduit encore. Et l’auditoire qui s’écrasait depuis sept heures, dans ce lieu morne et sévère, gardait un silence relatif, agité d’un frémissement sourd, les yeux ardents, les gestes contenus. Les passions semblaient s’être terrées, il s’agissait d’une