Page:Zola - Vérité.djvu/510

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yeux gris avaient le froid et le coupant de l’acier. Et l’antithèse n’était pas moins saisissante entre l’ancien procureur de la République, le brillant Raoul de La Bissonnière, et Pacart, le procureur de la République actuel, très long, très mince, très sec, la face cuite et jaune, comme brûlé par le besoin d’effacer son passé louche, en faisant vite fortune. À droite et à gauche du président, les deux assesseurs, des figures quelconques, avaient pris place, de cet air détaché des gens qui ne servent à rien et dont la responsabilité est nulle. Et, tout de suite, le procureur de la République s’était mis à étaler devant lui un énorme dossier, qu’il feuilletait d’une main dure et méthodique.

Après les premières formalités, lorsqu’on eut constitué le jury et que la cour reparut, un greffier fit l’appel des témoins, qui tous un à un, se retirèrent. Marc dut sortir avec les autres. Puis, le président Guybaraud procéda sans hâte à l’interrogatoire de Simon. Il posait les questions d’une voix blanche, où l’on sentait comme le froid d’une lame, maniée avec une précision, une adresse meurtrière. Cet interrogatoire interminable, s’attardant aux moindres détails de l’ancienne affaire, revenant avec insistance sur l’accusation détruite par l’enquête de la Cour de cassation, fut une surprise. On s’attendait à un déblaiement du terrain, à un simple examen des questions posées par la juridiction suprême, et il fut tout de suite évident que la cour d’assises de Rozan n’entendait tenir aucun compte des vérités établies par cette juridiction, et que le président allait user de son pouvoir discrétionnaire pour reprendre l’affaire Simon entièrement, dès l’origine. Bientôt même, on put comprendre, aux questions posées, que rien n’était abandonné du premier acte d’accusation, Simon rentrant de Beaumont par le chemin de fer, se trouvant à Maillebois dès onze heures moins vingt, allant embrasser Zéphirin qui se couchait, le