Page:Zola - Vérité.djvu/512

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la violence brusque de Simon, le président n’insista pas, d’autant plus que Delbos s’était levé, prêt à soulever un incident. Et le procureur de la République ajouta simplement que, si l’on n’avait pu retrouver l’ouvrier inconnu, il ne s’en réservait pas moins de donner au fait toute sa gravité de vraisemblance. Le soir, lorsque David lui conta cette première audience. Marc, devinant quelque nouveau travail d’abominable iniquité, éprouva un grand serrement de cœur, la certitude du crime des crimes qui se préparait. Lui ne s’étonnait pas de l’attitude calme, effacée de Simon, confiant dans la force de son innocence, incapable d’extérioriser ses émotions. Mais il se rendait parfaitement compte du mauvais effet produit ; et, surtout, il ressentait, de la froideur agressive du président, de l’importance qu’il donnait aux questions les plus inutiles, vidées déjà, une impression désastreuse, la presque certitude d’une condamnation nouvelle. David, auquel il ne crut pas devoir cacher son inquiétude, eut de la peine à contenir deux grosses larmes, car lui aussi venait de sortir désespéré du palais de justice, envahi d’un pressentiment affreux.

Cependant, les journées qui suivirent, entièrement consacrées à l’interrogatoire des témoins, leur rendirent quelque courage et quelque illusion, en les rejetant en pleine bataille. Les anciens témoins de l’accusation furent d’abord entendus, et l’on revit le défilé des employés de chemin de fer, des employés de l’octroi, qui se contredisaient sur la question de savoir comment Simon était rentré à Maillebois, par le train de dix heures et demie, ou bien à pied. Marc, voulant être le plus tôt possible dans la salle, avait prié Delbos de le faire appeler tout de suite ; et il vint déposer sur la découverte du pauvre petit corps de Zéphirin ; puis, il retourna s’asseoir près de David, resté en un coin de l’étroit espace réservé aux témoins. Il put assister ainsi au premier incident