Page:Zola - Vérité.djvu/532

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mourir. Une femme, des enfants en larmes l’attendaient, espéraient encore le sauver, à force de tendresse et de soins. Et, pourtant, David repoussa d’abord la grâce, voulut en causer avec Marc, avec Delbos, avec tous les héroïques défenseurs de l’innocent, comprenant bien que, si la grâce n’enlevait pas à Simon le droit de faire reconnaître son innocence un jour, elle leur enlèverait, à eux, leur arme la plus puissante, le martyr souffrant toujours son calvaire, tirant des larmes et des cris de révolte au monde entier. Tous s’inclinèrent cependant, le cœur brisé, et David accepta la grâce. Mais Marc et Delbos le sentirent, la congrégation avait raison de triompher, car l’affaire Simon était humainement finie, du jour où elle ne bouleversait plus l’équité et la générosité des foules.

Tout de suite, le sort de Simon se trouva réglé. Il était impossible de le ramener à Maillebois, où il fut convenu que Mme  Simon resterait quelques jours encore, chez les Lehmann, avec ses enfants, Joseph et Sarah, qui attendaient la rentrée aux Écoles normales voisines, dont ils suivaient les cours. De nouveau, David se dévoua. Depuis longtemps, son plan était arrêté : céder l’exploitation de la carrière de sable et de cailloux, laissée aux mains d’un gérant ; acheter en échange la concession d’une carrière de marbre, dans une vallée déserte des Pyrénées, affaire excellente, indiquée par un ami, étudiée mûrement ; y emmener Simon, qu’il prendrait pour associé, et dont l’air des montagnes, la joie d’une vie active, remettraient la santé avant six mois. Et, dès l’installation faite, Mme  Simon rejoindrait son mari, sans compter que les enfants pourraient aller achever leurs vacances près de leur père. Tout cela fut exécuté avec une précision, une promptitude remarquables. On escamota Simon. Il quitta Rozan, encore agité, et pas une âme ne soupçonna même son départ. Il voyagea inconnu,