Page:Zola - Vérité.djvu/538

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en menaçant Le Barazer d’une interpellation à la Chambre, s’il ne s’entendait pas avec le préfet Hennebise pour vous exterminer. Je crois que vous seriez déjà mort, sans cette mise en demeure brutale… Mais, mon pauvre ami, il n’est guère possible à Le Barazer de résister plus longtemps. Il ne faut même pas lui en vouloir. Rappelez-vous le doux entêtement, l’art diplomatique avec lesquels il vous a soutenu pendant tant d’années. Il trouvait toujours moyen de vous sauver, en accordant des compensations à vos adversaires : un véritable chef-d’œuvre d’inertie, d’équilibre instable. Maintenant, c’est fini, je ne lui ai même pas parlé de vous, tout plaidoyer serait inutile. Et il faut le laisser faire, il ne retarde sans doute la décision que pour trouver un arrangement ingénieux, car lui-même n’aime pas beaucoup être battu, et jamais il n’abandonnera le succès de son œuvre, cette école laïque et obligatoire qui seule peut refaire la France de demain.

Marc ne souriait plus. Il était tombé dans une grande tristesse.

— Ce sera pour moi un déchirement, murmura-t-il. Je laisserai le meilleur de mon être dans cette modeste école de Maillebois, parmi ces chers écoliers, dont je faisais mes enfants. Tout mon cœur et tout mon cerveau sont là. Puis, comment occuper ensuite ma vie brisée ? Je suis incapable d’une autre besogne utile, je m’étais donné cette mission, et quelle douleur de la voir interrompue, inachevée, au moment ou la vérité a tant besoin d’ouvriers solides !

Mais, bravement, Salvan s’égayait à son tour. Il lui prit les deux mains.

— Voyons, ne vous découragez pas. Nous saurons bien ne pas rester les bras croisés, que diable !

Et Marc, réconforté, lui rendit son étreinte.

— Vous avez raison ! Quand un homme comme vous