Page:Zola - Vérité.djvu/542

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dont il ne pouvait plus servir ni la politique de haine ni le culte de basse superstition.

Aussi, les capucins jugèrent-ils l’occasion bonne de triompher de nouveau. Le père Théodose imagina de célébrer ce qu’il nommait la fuite de leur ancien adversaire. Grâce à de savantes manœuvres, l’évêque venait de nommer à la cure de Maillebois un jeune vicaire arriviste, créature du père Crabot, et l’idée géniale fut d’organiser, de concert avec ce nouveau curé, une procession solennelle qui, partie de la chapelle des Capucins, porterait un superbe saint Antoine rouge et or à l’église paroissiale, pour l’y installer en grande pompe. Ce serait l’éclatante image de la victoire définitive, le couronnement, l’apothéose, la paroisse envahie et conquise par la congrégation, les moines souverains maîtres, installant partout le culte idolâtre, sous lequel ils espéraient rançonner et abêtir la France, au point d’en refaire l’ignorant troupeau des âges de servage. Et, par une chaude journée de septembre, la procession fut vraiment magnifique, avec le concours de tout le clergé des environs, au milieu d’une foule énorme, accourue du département entier. La chapelle n’était séparée de Saint-Martin que par la place des Capucins et une courte ruelle ; mais on fit le grand tour, on alla passer par la place de la République et par la Grand-Rue, on promena le saint Antoine d’un bout de la ville à l’autre. Le maire Philis, entouré de la majorité cléricale du conseil, suivait la statue peinturlurée, portée sur un pavois de velours rouge. Toute l’école des frères s’était mobilisée, bien qu’on fût en vacances, recrutant des enfants, les habillant, leur mettant un cierge au poing. Puis, venaient à la queue les filles de Marie, des confréries, des associations pieuses, un interminable défilé de dévotes, sans compter un flot de bonnes sœurs, des couvents entiers amenés de Beaumont. Il ne manquait que Mgr Bergerot, qui s’était fait excuser,