Page:Zola - Vérité.djvu/543

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tombé justement malade l’avant-veille. Jamais encore Maillebois ne s’était trouvé en proie à une telle fièvre religieuse. Le monde se mettait à genoux sur les trottoirs, il y avait des hommes qui pleuraient, trois jeunes filles tombèrent, frappées de crises nerveuses, et furent transportées chez le pharmacien. Le soir, la bénédiction, à Saint-Martin, pendant que les cloches sonnaient à toute volée, fut un éblouissement. Et personne n’en douta, Maillebois était enfin racheté et pardonné, Dieu avait voulu permettre, par cette cérémonie grandiose, que l’infâme souvenir du juif Simon fût à jamais effacé.

Ce jour-là, Salvan était justement venu à Maillebois, pour y voir Mme Berthereau, dont il avait eu les plus inquiétantes nouvelles. Et, comme il sortait de la petite maison de la place des Capucins, il aperçut Marc, qui rentrait d’une visite faite aux Lehmann, et que la procession interminable avait arrêté au passage. Les deux hommes immobilisés, durent donc attendre assez longtemps, après s’être donné une muette poignée de main. Puis, quand le dernier des moines eut passé, derrière l’idole dorée, badigeonnée de rouge, ils échangèrent simplement un regard, ils firent quelques pas en silence.

— J’allais chez vous, finit par dire Salvan.

Marc crut qu’il venait lui apporter la nouvelle de sa révocation enfin signée.

— Alors, c’est fait ? demanda-t-il en souriant, je puis apprêter mes malles ?

— Non, non, mon ami, Le Barazer n’a pas encore donné signe d’existence. Il prépare je ne sais quoi… Oh ! notre exécution est sûre, patientez encore un peu.

Puis, ne plaisantant plus, le visage brusquement navré :

— Non, j’ai su que Mme Berthereau était au plus mal et j’ai voulu la voir… Je sors de chez elle, j’ai le cœur bien gros, c’est la fin prochaine.