Page:Zola - Vérité.djvu/554

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce choc, cette lutte, où elle se savait vaincue à l’avance. Mais il ne lui restait que quelques heures pour être brave et bonne, elle rouvrit les yeux, elle osa parler enfin.

— Que Dieu m’entende, ma mère ! Je crois remplir tout mon devoir, je dis à ma fille de prendre ses enfants et de retourner près de son mari, car sa bonne santé et son unique bonheur sont là, à ce foyer qu’elle a quitté si imprudemment.

D’un geste violent, Mme Duparque avait d’abord voulu l’interrompre, dès les premiers mots. Puis, frappée peut-être par la majesté de la mort qui emplissait déjà la chambre de son souffle, gênée de ce cri d’une pauvre créature asservie dont la raison et l’amour se libéraient à l’heure dernière, elle laissa la mourante achever. Et il y eut ensuite une angoisse infinie, et les quatre femmes, les quatre générations étaient en présence.

Toutes quatre avaient un air de famille, grandes de taille, la face longue, avec le nez un peu fort. Mais Mme Duparque, les mâchoires dures, les joues coupées de plis rigides, figée de soixante-dix-huit ans, avait maigri et jauni, dans les pratiques de son étroite dévotion ; tandis que Mme Berthereau, qui venait d’atteindre sa cinquante-sixième année, plus grasse et plus souple, malgré la maladie, gardait sur son visage blême la douceur de cet amour goûté un instant, dont elle avait gardé l’éternel deuil. Puis, de ces deux femmes brunes et sévères, Geneviève était née, affinée par son père, blonde, gaie, amoureuse et désirable, encore délicieuse à trente-sept ans passés ; et Louise, la dernière, dans sa dix-huitième année bientôt, était redevenue brune, du brun doré de Marc, qui lui avait aussi donné son front large, ses grands yeux de flamme, où brûlait la passion de la vérité. Et, de même, au moral, l’évolution se poursuivait : la grand-mère serve absolue de l’Église, la chair et l’esprit domptés, instrument