Page:Zola - Vérité.djvu/568

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et de nos enfants, que déraison et que misère… Reprends-moi, mon bon Marc, je me donne comme tu te donnes.

Lentement, elle s’était approchée, elle allait jeter elle aussi les bras au cou de son mari, lorsque la voix gaie de Louise se fit entendre.

— Et moi, et moi, père ? J’en suis, tu sais… Ne m’oubliez pas.

— Oh ! oui, elle en est, la chère mignonne ! reprit Geneviève. Elle a tant travaillé à ce bonheur, avec tant de douceur et d’adresse !

D’un geste, elle avait pris Louise dans son étreinte, elle les embrassa, elle et Marc, qui tenait déjà Clément contre sa poitrine. Tous les quatre se trouvaient enfin réunis, serrés du même lien de chair et de tendresse, n’ayant plus qu’un même cœur, un même souffle. Et, dans cette grande salle de classe, si nue, si vide, en attendant le flot d’enfants de la rentrée prochaine, quel frisson d’humanité profonde, de joie féconde et saine ! De grosses larmes emplirent les yeux de Salvan et de Mignot, bouleversés d’attendrissement.

Enfin, Marc put parler, tout son cœur montait à ses lèvres.

— Ah ! chère femme, si tu me reviens, c’est donc que tu es guérie. Je le savais bien : tu allais à ces pratiques religieuses de plus en plus rigides, comme à des stupéfiants, à des doses de plus en plus fortes, pour endormir la nature en toi ; et la bonne nature, malgré tout, devait éliminer le poison, le jour ou tu te sentirais de nouveau épouse et mère… Oui, oui, tu as raison, c’est l’amour qui t’a délivrée, te voilà reconquise sur cette religion d’erreur et de mort, dont nos sociétés agonisent depuis dix-huit siècles.

Mais Geneviève se remit à frémir, troublée, inquiète.

— Oh ! non, oh ! non, mon bon Marc, ne dis pas cela !