Page:Zola - Vérité.djvu/575

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comme si elle n’était plus. Le moment venu, la vérité éclaterait, les disperserait en poussière, tranquille et rayonnante. Et c’était cette certitude d’avoir avec lui la vérité toujours vivante et victorieuse, même après des siècles, qui lui donnait cette force tranquille de se remettre à la besogne et d’attendre gaiement, même au-delà de son existence, le triomphe certain.

Puis, le spectacle effroyable de l’affaire Simon avait solidifié ses convictions, élargi sa foi. Déjà, il condamnait la bourgeoisie, une classe épuisée par l’abus du pouvoir usurpé, volé le jour du partage, une classe libérale devenue réactionnaire, passée de la libre pensée au plus bas cléricalisme, depuis le jour où elle avait senti dans l’Église l’alliée naturelle de ses rapines et de ses jouissances. Aujourd’hui, il l’avait vue à l’œuvre, lâche et menteuse, faible et tyrannique, déniant toute justice à l’innocent, résignée à tous les crimes pour ne rien gâcher de ses millions, dans sa terreur du peuple peu à peu réveillé, réclamant sa part. Et la jugeant plus pourrie et plus agonisante encore qu’il n’avait cru, il la condamnait à une disparition prompte, si la nation ne voulait pas mourir d’une infection inguérissable. Désormais, l’unique salut était dans le peuple, dans cette force nouvelle, cet inépuisable réservoir d’hommes, de travail et d’énergie. Il le sentait monter sans cesse, comme la jeune humanité renouvelée, apportant à la vie sociale une infinie puissance, pour plus de vérité, plus de justice, plus de bonheur.

Et cela confirmait la mission qu’il s’était donnée, cette mission si modeste en apparence d’instituteur de village, et qui était en somme l’apostolat moderne, la seule œuvre importante dont sortirait la société de demain. Il n’était pas de rôle plus haut, abattre l’erreur de l’Église, lui substituer la vérité de la science, la paix humaine faite de connaissance et de solidarité. La France future poussait