Page:Zola - Vérité.djvu/58

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par tant d’ennemis, aimant son métier jusqu’à l’héroïsme, s’accommodant de sa pauvreté, sans jamais se plaindre. Son récit de l’emploi de sa soirée était net, sa femme avait confirmé les heures qu’il indiquait, aucun des renseignements fournis par lui ne semblait discutable. Et, même, si des obscurités demeuraient, si ce modèle d’écriture, froissé, roulé en tampon avec un numéro du Petit Beaumontais, était là comme une énigme indéchiffrable, la toute-puissante raison disait qu’il fallait chercher ailleurs, Simon se trouvant naturellement hors de cause, par son être, par sa vie, par les conditions où il se trouvait. Ce fut alors, dans l’esprit de Marc, une certitude basée sur le raisonnement, la vérité même, inébranlable, lorsque l’observation et la déduction des faits l’ont établie. Désormais, sa conviction était faite, il avait des points acquis, auxquels il ramènerait tout ; et toutes les erreurs, tous les mensonges pouvaient se produire, il les écarterait, s’ils ne satisfaisaient pas aux parties de vérité déjà connues et démontrées.

Rasséréné, soulagé du poids de son doute, Marc rentra dans Maillebois en passant devant la gare, au moment où les voyageurs descendaient du train. Il en vit sortir l’inspecteur primaire, le beau Mauraisin, un petit homme de trente-huit ans, coquet, très brun, dont la barbe soignée cachait la bouche mince, et qui abritait ses yeux vifs derrière un éternel binocle. Ancien professeur à l’École normale, il appartenait à la nouvelle génération des arrivistes, toujours aux aguets de l’avancement, ayant l’unique souci de se mettre du côté des plus forts. Il avait, disait-on, ambitionné la direction de l’École normale, échue à Salvan, et il poursuivait celui-ci d’une exécration sourde, tout en le ménageant, car il n’ignorait pas son grand crédit sur l’inspecteur d’académie Le Barazer, dont lui-même dépendait. D’ailleurs, jusque-là, devant l’équilibre des